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Cet article est l’archive d’une newsletter envoyée le 18 mai 2011

 

Bonjour à tous et à toutes,

Une fois n’est pas coutume, je m’exprime sur un sujet de politique. D’habitude, je m’y intéresse, mais je n’interviens pas car j’ai cessé de croire en la politique et en la justice française, à peu près simultanément d’ailleurs. Mais ceci est encore une autre histoire, que je vous raconterai peut-être un jour si vous êtes sage.

Donc au départ il y avait DSK, un candidat « solide » pour les présidentielles, un homme de tête et de poigne, qui rassurait les Français. Ça c’était quelqu’un sur qui on pouvait compter, pas de doute, il avait ce qu’il faut pour gouverner la France, que n’avait pas Ségolène Royal (à savoir, les couilles, au sens propre). Et voilà que du jour au lendemain, notre candidat idéal se retrouve sur toutes les [i]Une[/i] du monde menottes aux poings. LE CHOC !!! Surtout pour la France. Sous l’effet du choc, c’est un florilège médiatique ; les médias français unanimes dénoncent le traitement inhumain infligé à ce pauvre DSK, la France perdue est perdue et ne se contrôle plus ; les petites phrases s’échappent : Jack Lang : « il n’y a tout de même pas mort d’homme » ( non il y a viol de femme) ; un présentateur de télé : « c’est vrai qu’en France, la justice a tendance à privilégier les puissants » ( ah bon, mais que fait la justice alors ?). Les médias français étalent leur machisme sans complexe : pas une pensée pour la pauvre femme de chambre mère de famille célibataire qui a subi un traumatisme, pris le risque de perdre son job, de stopper sa progression (et oui, œuvrer à l’étage des suites était pour elle un avancement  de carrière et le signe de confiance de son employeur), voire même de perdre la tant désirée carte verte. Tant il est vrai qu’en France, on est attaché au donjuanisme à la Strauss-Kahn et les hommes (et même certaines femmes ayant fortement intégré le masochisme de la dominée) voudraient le voir inscrit au même titre que la gastronomie française au patrimoine de l’UNESCO.

Lu aussi dans un journal la théorie d’une machination de la CIA. Ouah, ça doit être un expert drôlement fort qui a mis au point le complot : calculer l’instant où DSK va sortir nu de la salle de bain, sélectionner une jeune femme très belle, noire pour titiller ses fantasmes néo-esclavagistes les plus inconscients, puis le jeter sous le joug sexuel de cette espionne… ce pauvre DSK n’avait aucune chance. Obligé de se jeter sur elle comme un malade, on va pas tout de même lui demander de maitriser ses pulsions, au pauvre homme, non ? Ils sont trop forts la CIA.

Mais d’où vient ce choc si puissant qu’il sidère la France ?

C’est l’image que nous renvoie le reste du monde de notre pays, with a little help from our american friends. Pas de doute que si la même chose s’était passée en France (et d’ailleurs, la même chose s’est passée en France, avec la journaliste Tristane Banon), la chose aurait été enterrée. Une victime d’agression sexuelle ne parle que dans un environnement où elle a une chance de trouver justice et réparation. Aujourd’hui, en France, les cadavres sortent du placard et le monde découvre médusé le machisme et l’hyper-patriarcat de notre pays qui sous-tend et  verrouille toutes les structures et les rouages déterminants d’une société, permettant sa reproduction ad vitam eternam, n’eut été  a little help from our american friends : le milieu politique permissif sur l’abus de pouvoir à des fins sexuelles ( on a oublié entre-temps l’épisode « Frédéric Mitterand et le tourisme sexuel »), le machisme des médias, des éditions, des institutions et de la justice.

Car ce que nous renvoie aussi crûment en miroir l’image de DSK en menottes, c’est une justice qui protège les victimes et non les agresseurs, quelque soit leur puissance. Shocking isn’t it ? En France, un pédophile a droit à un avocat à la minute où il est pris en charge par la justice, il a aussi droit à des soins psychiatriques gratuits lors de son séjour en prison, quand la victime n’a pas automatiquement droit à la défense et doit payer elle-même pour sa thérapie (souvent longue, vue la durée des séquelles dans ce genre d’agression).

Ce choc qui assomme la France aujourd’hui, c’est un coup de butoir irrémédiable contre son patriarcat, qui  marque un processus déjà amorcé, le début de sa fin.

Voilà des années que je me bats, avec mes armes, contre ce machisme et cet hyper-patriarcat français, ayant vécu longtemps aux Etats-Unis. La réponse – explicite ou implicite – que j’ai toujours reçue a été politique, celle du Front National : « La France, tu l’aimes ou tu la quittes ». Si ça ne te convient pas ici, retourne aux USA.

La France que j’aime, ce n’est pas celle de DSK, ni des éléphants du P.S., ni même des éléphants tout court. Ma France, je l’aime et je ne la quitterai pas.