« Si l’on veut toucher un vaste public, disait Dick Higgins, il faut parler le langage de ce public. »

 

Et de conclure que c’est alors la médiocrité qui gagne contre l’art, bien loin que l’art l’emporte sur la médiocrité.

Dans  mes projets, je tente, modestement – mais fermement – de montrer que cette fatalité n’en est pas une.

 Dans l’histoire de l’art contemporain, Fluxus ou John Cage par exemple représente un stade que je qualifierai d’adolescence. Ils ont repoussé les limites de l’expérimentation artistique et, dans le souci de briser les académismes, en rejetant systématiquement les conventions, que ce soit du langage ou de la musique, l’art contemporain s’est éloigné encore davantage du public non-initié, un peu comme l’adolescent se révolte contre ses parents pour trouver son identité. Cette phase était essentiellement tournée « contre » quelque chose. Elle était nécessaire pour élargir les limites de l’art mais il me semble que l’art contemporain a désormais atteint une certaine maturité apte à recevoir mon travail.

Comme l’adolescent qui refuse en bloc les règles, puis les réintègre en les personnalisant en tant qu’adulte, je réintègre dans mon travail des règles : celles du langage, du signifiant. J’utilise, comme Filliou, le langage pour le sens des mots et non leur forme, et j’utilise le chant avec ses règles très strictes du vibrato et la technique lyrique, dans un souci d’esthétisme. Si les expérimentations précédentes ont été indispensables pour repousser les limites de l’art, elles ont, à mon sens, atteint leur limite en tant que résultat.

Sophie Taam, septembre 2008